Marie Cécile Aptel

Michel Natier, 2020
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Marie-Cécile Aptel

Michel Natier
,Commissaire de l’exposition

Au commencement, il peut y avoir une rage, une colère qui pousse la peintre à ferrailler avec sa toile. Une bataille d’où des mots surgissent, comme criés au pinceau. Sorte de punchline sous-jacente qui traverse les touches d’acrylique qui recouvrent les tableaux.

Dans les œuvres de Marie-Cécile Aptel, apparaissent souvent des bribes de phrases ou de mots plus ou moins effacés, dissimulés, lacérés, qui laissent poindre le sentiment d’une interrogation, d’un doute et qui posent question. On se trouve alors confronté à des sortes d’oxymores qui mettent en opposition le sens des mots et le contenu de l’œuvre. Elle joue avec la sémantique, les métaphores ou avec des formulations métonymiques qui interrogent la nature même de l’œuvre.

Ce sont parfois des mots aux allures de graffitis qui, sans ambages, viennent s’ajouter à la composition : « Hors champ » , « It is beautiful , isn’t it?» , «Rien à voir» , «Hors sujet» , «Hors-jeu» , «Memento» , «Rien» . La question qui se pose, à travers ces injonctions ironiques, dont la calligraphie se trouve plus ou moins estompée et raturée, laisse planer l’ambiguïté. L’artiste semble planter le décor de ses doutes, faire une mise à plat, une mise au point avec ses pensées, pour pouvoir commencer à peindre. Dans un langage pictural contemporain, où se mélangent l’écriture et une gestuelle abstraite, l’artiste pose la question de la peinture, de l’art.

Sa peinture c’est aussi l’histoire d’une relation physique avec la toile, car les formats qu’elle utilise sont généralement de grande taille, à l‘échelle de son corps. Elle se trouve ainsi confrontée à la surface de la toile comme face à un mur qu’il lui faut s’approprier par quelques revendications verbales, graffitis textuels, avant de le recouvrir. Se retrouve-t-elle peut-être alors devant un tableau noir d’écolier chargé d’éphémères inscriptions que l’éponge du maître a du mal à faire disparaître ?

Il faut que quelques signes viennent habiter la toile pour que l’artiste puisse commencer à peindre. La page blanche, vierge, l’oblige à trouver une entrée, un moyen pour s’accorder le droit de s’approprier cette surface. Elle doit pratiquer ce rituel pour pouvoir commencer son travail. Les inscriptions s’estompent plus ou moins, disparaissent ou resurgissent partiellement. Il subsiste la trace qui a engendré la toile, sorte de palimpseste poétique.

La peinture de Marie-Cécile Aptel semble raconter des histoires. Devant chaque tableau, les mots, les traces obligent à se questionner sur la nature même de l’œuvre qui se présente à nous. Face à une toile débordante de couleur, de matière, où le mot «Rien» s’affiche on s’interroge. L’artiste nous met devant cette évidence, est-ce rien ? Mais non ce n’est pas rien ! L’artiste convoque la pensée, nous met au pied de son mur, face à nos contradictions. Elle joue à cache-cache derrière la matière, avec délectation, et nous invite à entrer dans son jeu.

Marie-Cécile Aptel travaille le plus souvent à l’acrylique. Elle utilise en général des toiles tendues sur des châssis, parfois des toiles libres ou des toiles de stores. Les œuvres présentées ici, de grandes dimensions, sont séquencées en plusieurs groupes : les graphiques, les classiques, la tendance géométrique, les luxuriantes, que des petits formats en papier viennent ponctuer.

Si Marie-Cécile Aptel vient du dessin, il semble au premier abord absent de ses œuvres. C’est à travers les signes de l’écriture, cette calligraphie spontanée jetée sur la toile, que d’une certaine façon ce lien avec le graphisme s’affiche. Elle modèle des formes avec le pinceau, compose ses toiles avec de grands aplats, cherche l’équilibre entre surfaces colorées, trace des sillons. Proches de l'abstraction, ses œuvres donnent à voir le geste et questionnent le sens. Écriture peinte ou peinture dépeinte, la dimension psychologique est intrinsèque à son travail. Ses tableaux, à travers des mots, des bribes de langage, permettent l’accès à chacun.

En utilisant dans ses toiles les termes « Hors champ » ou « Noir et blanc» elle convoque le cinéma et la photo. En provoquant ce glissement entre les disciplines des arts visuels elle pose la question de la peinture aujourd’hui. Avec le terme « Hors sujet » présent dans plusieurs de ses toiles, elle questionne la nature même de l’œuvre dont le résultat in fine ne serait pas celui attendu. Ces questions posées généralement au commencement du travail pictural conditionnent le processus de création. Ce champ de bataille sémantique rattache l’œuvre de l’artiste aux grandes questions soulevées par l’art aujourd’hui et surtout, je crois, nous ramène au plaisir impérieux de peindre.

Michel Natier, 2020



Marie Cécile Aptel
2020, Michel Natier


Michel Natier, 2020
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Marie-Cécile Aptel

Michel Natier
,Commissaire de l’exposition

Au commencement, il peut y avoir une rage, une colère qui pousse la peintre à ferrailler avec sa toile. Une bataille d’où des mots surgissent, comme criés au pinceau. Sorte de punchline sous-jacente qui traverse les touches d’acrylique qui recouvrent les tableaux.

Dans les œuvres de Marie-Cécile Aptel, apparaissent souvent des bribes de phrases ou de mots plus ou moins effacés, dissimulés, lacérés, qui laissent poindre le sentiment d’une interrogation, d’un doute et qui posent question. On se trouve alors confronté à des sortes d’oxymores qui mettent en opposition le sens des mots et le contenu de l’œuvre. Elle joue avec la sémantique, les métaphores ou avec des formulations métonymiques qui interrogent la nature même de l’œuvre.

Ce sont parfois des mots aux allures de graffitis qui, sans ambages, viennent s’ajouter à la composition : « Hors champ » , « It is beautiful , isn’t it?» , «Rien à voir» , «Hors sujet» , «Hors-jeu» , «Memento» , «Rien» . La question qui se pose, à travers ces injonctions ironiques, dont la calligraphie se trouve plus ou moins estompée et raturée, laisse planer l’ambiguïté. L’artiste semble planter le décor de ses doutes, faire une mise à plat, une mise au point avec ses pensées, pour pouvoir commencer à peindre. Dans un langage pictural contemporain, où se mélangent l’écriture et une gestuelle abstraite, l’artiste pose la question de la peinture, de l’art.

Sa peinture c’est aussi l’histoire d’une relation physique avec la toile, car les formats qu’elle utilise sont généralement de grande taille, à l‘échelle de son corps. Elle se trouve ainsi confrontée à la surface de la toile comme face à un mur qu’il lui faut s’approprier par quelques revendications verbales, graffitis textuels, avant de le recouvrir. Se retrouve-t-elle peut-être alors devant un tableau noir d’écolier chargé d’éphémères inscriptions que l’éponge du maître a du mal à faire disparaître ?

Il faut que quelques signes viennent habiter la toile pour que l’artiste puisse commencer à peindre. La page blanche, vierge, l’oblige à trouver une entrée, un moyen pour s’accorder le droit de s’approprier cette surface. Elle doit pratiquer ce rituel pour pouvoir commencer son travail. Les inscriptions s’estompent plus ou moins, disparaissent ou resurgissent partiellement. Il subsiste la trace qui a engendré la toile, sorte de palimpseste poétique.

La peinture de Marie-Cécile Aptel semble raconter des histoires. Devant chaque tableau, les mots, les traces obligent à se questionner sur la nature même de l’œuvre qui se présente à nous. Face à une toile débordante de couleur, de matière, où le mot «Rien» s’affiche on s’interroge. L’artiste nous met devant cette évidence, est-ce rien ? Mais non ce n’est pas rien ! L’artiste convoque la pensée, nous met au pied de son mur, face à nos contradictions. Elle joue à cache-cache derrière la matière, avec délectation, et nous invite à entrer dans son jeu.

Marie-Cécile Aptel travaille le plus souvent à l’acrylique. Elle utilise en général des toiles tendues sur des châssis, parfois des toiles libres ou des toiles de stores. Les œuvres présentées ici, de grandes dimensions, sont séquencées en plusieurs groupes : les graphiques, les classiques, la tendance géométrique, les luxuriantes, que des petits formats en papier viennent ponctuer.

Si Marie-Cécile Aptel vient du dessin, il semble au premier abord absent de ses œuvres. C’est à travers les signes de l’écriture, cette calligraphie spontanée jetée sur la toile, que d’une certaine façon ce lien avec le graphisme s’affiche. Elle modèle des formes avec le pinceau, compose ses toiles avec de grands aplats, cherche l’équilibre entre surfaces colorées, trace des sillons. Proches de l'abstraction, ses œuvres donnent à voir le geste et questionnent le sens. Écriture peinte ou peinture dépeinte, la dimension psychologique est intrinsèque à son travail. Ses tableaux, à travers des mots, des bribes de langage, permettent l’accès à chacun.

En utilisant dans ses toiles les termes « Hors champ » ou « Noir et blanc» elle convoque le cinéma et la photo. En provoquant ce glissement entre les disciplines des arts visuels elle pose la question de la peinture aujourd’hui. Avec le terme « Hors sujet » présent dans plusieurs de ses toiles, elle questionne la nature même de l’œuvre dont le résultat in fine ne serait pas celui attendu. Ces questions posées généralement au commencement du travail pictural conditionnent le processus de création. Ce champ de bataille sémantique rattache l’œuvre de l’artiste aux grandes questions soulevées par l’art aujourd’hui et surtout, je crois, nous ramène au plaisir impérieux de peindre.

Michel Natier, 2020